L'avis de l'éditeur : une perspective mondiale sur le bonheur
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- 5 déc. 2024
- 4 min de lecture
Par Raji Mohanam

Aux États-Unis et dans de nombreux pays occidentaux, le bonheur est souvent mesuré dans le cadre d’une construction capitaliste : la capacité d’accéder confortablement aux biens et services matériels sur demande. Cette obsession croissante de la gratification immédiate et du défilement sans fin de l’écran du téléphone pourrait très bien être le symptôme d’une épidémie croissante : la solitude. Sommes-nous en train de perdre le lien authentique avec les autres, quelque chose qui est fondamental au bonheur humain ? Si tel est le cas, il pourrait être utile de prendre du recul et d’envisager le bonheur sous un angle global. Comment d’autres cultures définissent-elles une vie bien remplie ?
Dans de nombreuses régions du monde, le bonheur n’est pas une question de plaisirs éphémères ou de gains matériels, mais plutôt de simplicité, de communauté et de satisfaction à long terme. La vie ne consiste pas à s’offrir la routine quotidienne, mais à créer une vie qui soit fondamentalement épanouissante. Dans cette perspective, la maison joue souvent un rôle central : un lieu où renforcer les relations, trouver la paix et savourer des joies simples. Un repas partagé, une promenade en plein air ou du temps passé avec ses proches remplacent la dépendance de l'Amérique envers le confort et la consommation comme moyens de satisfaction.
En Occident, nous mesurons généralement la satisfaction à l’aide de paramètres familiers : l’avancement professionnel, l’accession à la propriété et la capacité de s’offrir de petits et grands luxes. De plus en plus, nous avons besoin que nos journées soient rythmées par de petites distractions (une pause café avec le nouveau latte de saison ou l'achat en ligne du dernier produit viral) qui promettent un moment de soulagement du stress et des exigences constantes du travail et de la vie familiale.
Quand je pense à mon séjour en Inde, le contentement semble couler naturellement à travers les rythmes de la vie quotidienne. C'est dans les moments restants de la routine matinale, moins précipités et plus savourés. Par exemple, le rituel matinal consistant à préparer du thé ou du café filtre est une forme d’art sans raccourci. Tout le reste est mis en attente jusqu'à ce que le petit-déjeuner soit correctement préparé, servi et consommé. Même si cela évolue rapidement dans les grandes villes, les familles donnent toujours la priorité aux rassemblements le soir et au partage d’histoires autour de repas faits maison. Il y a une aisance et un confort avec le temps que nous semblons avoir perdus en Occident. Il existe une intimité naturelle entre soi et la communauté qui apporte aux gens une joie innée et c'est quelque chose que j'aimerais que nous expérimentions davantage en Amérique.
Et ces routines n’ont rien à voir avec le déni ou l’ascétisme. Ils révèlent plutôt comment le bonheur peut faire partie intégrante de la vie plutôt que d’être acheté comme des moments d’évasion séparés. Lors de mes séjours, je regarde souvent avec étonnement ma famille élargie trouver une profonde satisfaction dans ce que j'avais auparavant considéré comme des moments ordinaires : la promenade quotidienne jusqu'au marché, la préparation partagée des repas, la participation tranquille aux rituels domestiques.
Je retrouve des modèles similaires dans la culture scandinave avec sa pratique du hygge , non pas comme un concept commercialisé auquel il est souvent réduit, mais comme une véritable philosophie de présence et de connexion. J'ai vécu des nuits où le temps semblait ralentir, où la conversation et la lueur des bougies créaient une atmosphère qu'aucun achat de luxe ne pouvait reproduire.

Ce qui m’a impressionné n’était pas l’absence de confort matériel, mais plutôt la façon dont ils servaient de toile de fond plutôt que de point focal. Une belle tasse en céramique agrémentait le rituel du café du matin, mais ce n’était pas la raison. Un éclairage soigneusement choisi a créé un espace de connexion plutôt que de servir de déclaration de design.
Pour les Américains, repenser le bonheur signifie réexaminer les priorités. S'éloigner des commodités immédiates (restauration rapide, café branché, divertissements sans fin) peut sembler une perte au premier abord. Ralentir et adopter des rythmes plus simples nécessite souvent d’échanger une gratification instantanée contre des récompenses plus profondes et plus durables : des liens communautaires plus forts, des relations plus étroites et un bien-être durable.
Ce changement n'est pas facile. Le consumérisme est profondément enraciné dans la culture américaine, et nous avons souvent du mal à voir la joie dans la simplicité ou à valoriser les expériences qui ne sont pas liées au succès matériel. On s'ennuie facilement. Cependant, pour ceux qui souhaitent sortir de cet état d’esprit, la transformation peut être profonde. Abandonner la recherche constante du « plus » et se concentrer sur l’équilibre, la connexion et l’intention peut conduire à une vie plus riche et plus significative.
En fin de compte, la question n’est pas de savoir si une version du bonheur est meilleure qu’une autre, mais si la vie que nous construisons correspond à nos valeurs. Cherchons-nous vraiment le bonheur ou accumulons-nous simplement du confort pour nous distraire de l’insatisfaction ? Répondre à cette question nécessite plus qu’un simple changement d’habitudes : cela nécessite la volonté de redéfinir ce que signifie bien vivre.

